Le blog de l'ACDS

On ne le dira jamais assez mais feu la sonde Mars Global Surveyor va nous manquer. Et son immense héritage est là pour nous rappeler qu’il y a du travail pour 20 ans au moins, dans l’étude minutieuse des dizaines de milliers d’images prises depuis 1997.

Et, en guise de testament, la piste de l’eau liquide nous est offerte non pas une nouvelle fois, mais dans la continuité des travaux commencés en juin 2000. Avec cette fois plus d’arguments.

Voici pour illustrer le propos, des clichés MGS obtenus dans la région de Centauri Montes (à l’Est du Bassin Hellas), sur les pentes internes d’un cratère d’impact particulièrement recouvert de ravines. Là, avec l’œil acéré d’un aigle, MGS a surpris à 7 ans d’intervalle, un changement majeur !

Nous sommes localisés à 38,7°S par 263,3°W. Sur la pente interne du cratère d’impact, au Sud- Sud Est (donc face exposée au Nord), se trouve une coulée fraîche de sédiments, beaucoup plus claire que les terrains alentours. Le dernier cliché MGS sur lequel apparaît cette coulée date du 10 septembre 2005. Après une analyse des archives, cette structure apparaissait partiellement déjà sur un cliché du 21 février 2004 (ce cliché ne couvrait qu’une portion de la coulée). En étudiant toutes les archives, les planétologues ont découvert que le premier cliché de la zone datait du 30 août 1999 et que la coulée n’existait pas à ce moment là.

Elle s’est donc formée entre le 30 août 1999 et le 21 février 2004 !

Environ 20% plus brillante que la surface sur laquelle elle s’est épanchée, cette coulée, ce dépôt, présente les caractéristiques d’une mise en place, d’un transport et d’un dépôt réalisés par le ruissellement d’un fluide plus ou moins visqueux, charriant avec lui des sédiments relativement fins. Elle tranche radicalement dans sa morphologie avec les traditionnelles ravines (« gullies ») observées sur Mars depuis 10 ans !

Car cette coulée n’est pas une ravine ! Ce n’est pas un chenal creusé sur la pente du cratère d’impact, mais bien une coulée superposée au rempart, une coulée qui ne semble pas avoir creusée de sillon avec elle. Elle s’inscrit même, dès son origine, dans l’axe d’une ravine classique et semble la prolonger comme si une résurgence l’avait fait apparaître.
Le tracé de la coulée n’est pas rectiligne mais présente des tentatives de méandres et de bifurcations, même s’il se dégage un axe majeur.
Sa partie terminale, située à l’aval, se divise en plusieurs ramifications (les « digits »), à mesure que la pente s’amenuise et que le « flot » est perturbé par des petits obstacles naturels (blocs gravitaires ?). On observe même 150 m avant la terminaison, une diffluence du tracé.

Ce dont nous sommes surs, c’est que l’épaisseur de ce flot est trop fine pour être mesurée à la résolution de 1,5 m par pixel et donc que peu de liquide et peu de sédiments ont été impliqués dans la mise en place de cette coulée. Il semble également que le flot se soit épanché lentement, du fait qu’il n’a pas recouvert certains des petits obstacles rencontrés sur son parcours.

La présence d’une telle coulée – bien que sporadique – ne prouve pas en soi que de l’eau liquide ait été impliquée dans sa morphogenèse. Toutefois, cette observation et une autre dans la région de Terra Sirenum, montre que des zones fortement ravinées peuvent présenter aujourd’hui des changements et une certaine activité morphodynamique externe. On peut ainsi affirmer que des processus de ruissellement, avec matrice de cohésion, se produisent de temps à autres sur Mars.

Ceci laisse espérer la présence d’un liquide dans le sous-sol, peut-être de l’eau, présence qui sera tôt ou tard détectée par un radar de type MARSIS (MEX) ou SHARAD (MRO)…

© Texte : Gilles Dawidowicz/APM.
© Images : NASA/JPL/Malin Space Science Systems.