Lucien Romani
- La pensée animale et la nôtre par Lucien Romani Livre en téléchargement gratuit
- L'oeuvre scientifique de Lucien Romani, extrait de la revue DIRE
- Proposition pour la continuation des travaux par Lucien Romani
- Lucien Romani par Marc Deschamps
- Causeries au laboratoire Eiffel par Jean-Michel Cornu
- Lucien Romani et l'observatoire de Meudon par Audouin Dollfus
Lucien Romani (1909-1990)
Curriculum Subjectif
Les vingt premières années
Bien que ruinés, mes parents m’eussent poussé à des études complètes si ma santé l’eût permis. Toutefois, la grosse Bertha les ayant incités à m’envoyer à la campagne, je parvins, cahin-caha, à fréquenter, durant quelques mois, une école primaire de village dirigée par un maître remarquable (nommé Thomas). Grâce à lui (et à quelque facilité) je passai le « Certificat d’Etudes primaires ».
Je suis donc, en quelque sorte, un autodidacte raté !
Par la suite, j’étudiai seul, au petit bonheur et seulement ce qui m’intéressait, sans la moindre discipline, mes parents et mon frère aîné se contentant de répondre à mes questions. Je puisai la documentation dans la bibliothèque de mon frère, amateur d’Astronomie. Mes livres de chevet furent l’Astronomie Populaire et Cyrano de Bergerac. Je lus, en outre, quantité de livres de toutes espèces et me livrai à d’énormes calculs avec une rapidité croissante. J’appris, seul, les Mathématiques jusqu’au niveau de la classe de « Spéciales » - avec quelques trous, bien sûr.
En 1929 (j’avais alors environ 20 ans), je lus, par hasard, en mangeant, une notice sur l’analyse dimensionnelle dans l’Annuaire du Bureau des Longitudes ». Je compris que cette discipline, apparemment marginale, était la clef de la physique théorique - ce que j’ai explicité 46 ans plus tard.
Le tournant
Entre les deux guerres, je gagnais ma vie en tant que commis d’Architecte, s’y ajoutant le jeu d’échecs, appris à 8 ans.
Prévoyant la catastrophe, je n’entrepris rien à long terme. Je « bricolais » intellectuellement. J’offris à l’astronome Henri Mineur, génial et pochard, un projet de compteur d’étoiles sur les clichés qui le séduisit. Il m’écrivit bientôt une lettre de deux pages réglant tous les détails de réalisation. Toutefois, elle comportait un petit post-scriptum que je transcris à peu près de mémoire : « En raison de la déclaration de la guerre, un certain retard est à prévoir ».
Le retard se prolonge...
Cependant ce « contretemps » décida de toute la suite. Henri Mineur conseilla au professeur Joseph Pérès de m’engager au « Laboratoire d’Analogies Electriques » de la Sorbonne qui travaillait pour l’Aéronautique (civile et militaire). J’y fus affecté spécial et j’y restai jusqu’en 1946. Pendant l’occupation, nous travaillâmes clandestinement, dans un sous-sol de Normal Sup’ et notre patron, le mathématicien Henri Villat, m’évita le dilemme : STO ou maquis.
Pendant la guerre, mon violon d’Ingres fut la théorie de l’évolution des étoiles. A la fin, je conçus le projet ambitieux d’étudier la théorie de l’évolution en général.
Les vingt années cruciales (1946-1966)
Dépourvu de diplômes, je n’avais pas d’avenir à la Sorbonne et guère plus au CNRS. En outre, je supporte difficilement la hiérarchie. Aussi, à la libération, je fondai un Bureau d’études privé en m’appuyant sur les connaissances et les relations acquises depuis 1939. Tout en dirigeant ce bureau d’études qui subsista 20 ans en autofinancement et employa jusqu’à une quarantaine de personnes, j’étudiai la théorie générale de l’évolution : plus qu’un violon d’Ingres, un orchestre ! Je dus acquérir une somme énorme de connaissances variées (paléontologie, géologie, astrophysique, etc...). Pour les mettre en oeuvre, je m’aperçus que la méthode cartésienne, universellement employée, ne suffisait pas.
Aussi en ai-je forgé deux autres : l’une, que j’appelle « amalgame » est anti-cartésienne (elle regroupe deux problèmes plus ou moins connexes pour les résoudre d’un seul coup); l’autre, « analyse parallèle » est neutre, c’est une promotion du raisonnement, par analogie.
L’emploi des trois méthodes, de manière synergique, s’est avéré d’une grande force heuristique.
En 1966, le Bureau d’Etudes périclita. Je pris alors la direction technique du Laboratoire Eiffel (Aérodynamique expérimentale). Mes responsabilités professionnelles et financières furent allégées considérablement. Je n’avais que trois collaborateurs au début. Je ne tardais pas à atteindre la dizaine mais j’étais délivré de la « corde raide » du Bureau d’Etudes, le Laboratoire appartenant aux avionneurs.
La moisson
A Pâques 1965, je m’étais cassé un pied. Cet accident bénin (cuboïde) m’immobilisa, sans me faire souffrir, pendant douze jours que je mis à profit pour approfondir 35 ans de réflexions scientifiques.
Dix ans plus tard, je publiai une tentative de rénovation de la Physique théorique, car celle-ci retardait alors d’une bonne quarantaine d’années sur l’expérience (« Théorie Générale de l’Univers Physique »). Depuis, j’ai prolongé et diversifié mes recherches sans lâcher le fil d’Ariane évolutionniste.La rencontre providentielle d’André Cailleux m’a aidé sur plusieurs plans : discussions amicales, documentation fabuleuse, sujets nouveaux, facilités de publications... Cailleux peut être dépeint d’un mot : c’est l’antimandarin. Qui ne l’aime pas doit être suspecté de sécheresse de coeur ou d’esprit. Dans les dernières années, une part importante de mon activité scientifique a été consacrée à la « réhabilitation » de l’oeuvre de deux physiciens français torpillés par les « anti-Cailleux », les mandarins, à savoir :
- René Blondot qui mit en évidence en 1903 les rayons N : « une nouvelle espèce de lumière ».
- Emile Belot qui fit l’hypothèse de la formation du système solaire en 1911, que j’ai reprise et développée de 1980 à 1982. (La naissance du système Solaire, 1983).
Le prolongement
Après ce long parcours, où en suis-je ? Eh bien ! je continue. Je travaille à un livre d’Analyse dimensionnelle (« Structure des grandeurs physiques ») et je prépare, en même temps, un ouvrage d’ "ultra-biologie " , dont une contribution en représente l’embryon (Regards sur la vie - la transcendance du vivant).
J’ai parlé de mes méthodes de réflexion. Voyons maintenant mes méthodes de production.
Cyclothymique, je n’ai guère de discipline : je passe n’importe quand, à ma fantaisie, de la Physique à la Biologie, de la Biologie à l’Astronomie... Dans n’importe quel domaine, je n’ai qu’un but : atteindre la vérité. Tant pis si elle déplait, tant pis si elle choque, tant pis si elle indispose ! Même si elle n’est pas « bonne à dire », je la dis.
J’essaie de me délivrer de toutes les idées préconçues même si elles sont à la mode. Je n’attache pas la moindre importance au consensus des mandarins et de leurs élèves ni à l’argument d’autorité. J’ai constaté qu’en cas de controverse c’est, 9 fois sur 10, la minorité qui a raison. Quand je publie, je ne fais aucune concession, je ne pratique aucune auto-censure. Je n’ai aucun maître à ménager, aucun cénacle à flatter - et j’en profite !
La science actuelle
Elle accumule les résultats d’observations et/ou d’expériences de plus en plus vite parce qu’elle dispose de plus en plus de moyens. Mais la médaille a un double revers :
- Pendant qu’on fouille à fond certains domaines, on refuse d’en envisager d’autres, quitte à nier l’évidence (rayons N, télépathie... ) .
- Le traitement des informations est lent et souvent insatisfaisant; les théories sont le plus souvent dépassées; exemple le néo-darwinisme qui ne résiste pas à l’examen mais qu’on enseigne; le « big-bang » extravagant mais qu’on prend comme base, etc... Les théories originales sont refusées par les comités de lecture et les Académies. Aujourd’hui, Einstein publierait à compte d’auteur et « La Recherche » ne lui ferait pas l’honneur d’un compte-rendu.
La Philosophie
Depuis quelques années, je suis auditeur libre au symposium hebdomadaire du professeur Marcel François (Nanterre). J’ai constaté, non sans surprise, que la philosophie n’est pas distincte de son histoire. On ne peut pas dire « où elle en est » ni « ce qu’elle est ». Il n’existe pas une philosophie mais des philosophies, celle de x, de y, de z... sans compter les « relectures » de p, de q, de r...
Mes travaux de Physique théorique m’ont ramené à Descartes et à Spinoza, continués par Husserl, dans une certaine mesure. Voici un exemple entre mille : on discute sur le temps, aussitôt on cite Aristote : « Le temps est le nombre du mouvement. » Personne ne bronche, le maître développe. Or cette phrase contient deux erreurs grave :
- ce pourrait être une définition de la mesure du temps; mais la mesure est une chose et la grandeur (mot malheureux) une autre (il existe même des « grandeurs » non mesurables);
- il est clair que le « nombre » en question est la vitesse et non le temps.
La Littérature
Ce fut ma tentation. Je songeai à la poésie mais la lecture des « Fleurs du Mal » m’a découragé. A mes moments perdus, je compose des contes humoristiques qu’on me conseille de publier. Mais ils sont trop peu nombreux pour le moment.
Quant à la lecture, elle est toujours variée, abondante et... non méthodique.
Lucien ROMANI