Le blog de l'ACDS

Pour les 9 ans en orbite de la sonde MGS, voici un cliché exceptionnel de beauté, qui synthétise bien la complexité des merveilleux paysages martiens.

Avec ce cliché, on cumule en effet le formidable passé aqueux et chaud de Mars avec ses paysages désolants, arides et froids d’aujourd’hui. Le très ancien côtoie donc le sub-récent, et sur seulement un bout de Mars de 3 x 3 km, au fin fond d’un cratère d’impact de la région d’Arabia Terra.

Sur ce cliché de la caméra MOC, les vieux terrains, sédimentaires, apparaissent de couleurs claires. Il s’agit de cette quizaine de buttes témoins, dont les flancs sont façonnés en marches d’escalier. Les topographes de l’IGN se régaleraient ici à dresser leurs cartes au 1/25000 ème…
Les couches géologiques composant ces buttes apparaissent donc, très régulières, parfaitement horizontales et de mêmes épaisseurs. Toutefois, certaines de ces marches sont largement encombrées de sédiments (fins ?) qui proviennent vraisemblablement de la lente érosion actuelle des couches géologiques composant les buttes. On peut donc parler de débris, de tabliers d’éboulis même, qui s’épanchent plus ou moins bien sur les versants des reliefs de cette zone. Ainsi, il est fréquent d’observer des coulées de débris ou des épanchements chevauchant une ou plusieurs marches des escaliers en présence. Evidemment, la gravité aidant, les accumulations de ces débris sont plus importantes sur les dernières marches, aux pieds des buttes témoins. Une fois sur le plancher, les vents ont pris en charge les fractions les plus fines de ces sédiments et les ont alors assemblé en de spectaculaires rides ou dunes assez claires (fossilisées ?), disposées radialement par rapport aux buttes témoins. La disposition radiale indique de toute évidence une interaction entre les vents et la topographie…
Il semble évident que dans un lointain passé, toute la zone était à un niveau altimétrique bien plus élevé qu’aujourd’hui et que les dépôts (marins, lacustres, volcaniques ?) dont sont faites les buttes observées de nos jours, recouvraient toute la région…
La régularité des couches sédimentaires composant les buttes témoins suggère que les phases de dépôts ont du être épisodiques ou peut-être cycliques, mais en tous les cas continues… Puis d’autres processus ont transformé les sédiments déposés en roches cimentées. Enfin, les vastes dépôts furent érodés par d’autres processus (toujours non identifiés) pour finalement laisser place aux reliefs résiduels encore présents aujourd’hui. Ces 3 étapes majeures de l’histoire de cette zone se sont quoiqu’il en soit, produites dans un lointain passé.

Mais sur ce cliché, d’autres formations géologiques plus récentes apparaissent aux côtés des terrains anciens. Il s’agit de ces vastes dépôts sombres, visibles entre les buttes témoins. Ce sont en fait des dunes faites de grains de sable presque noirs. Les vents les assemble jusqu’à former des complexes de plusieurs centaines de mètres de long. Ces dunes se sont mises en place depuis le Nord-Est (haut droite) vers le Sud-Ouest (bas gauche) et indiquent donc la direction des vents dominants…

Il est fascinant d’observer les marges de ces dépôts dunaires sombres, au contact avec les pieds des buttes témoins et leurs tabliers d’éboulis, ainsi qu’avec les rides claires radiales qui les entourent. Il semble que les dunes sombres aient colonisé les formations les plus anciennes, le tout se mêlant de manière assez complexe. Par endroit, il est évident que les dunes sombres recouvrent les formations les plus claires. A d’autres endroits, c’est moins évident…  On observe aussi que les vents ont forcé quelques fois les grains sombres à remonter les pentes…

Le centre du cliché se trouve vers 8,8°N par 1,2°W et l’image couvre une zone d’environ 3 km de large, l’éclairage du Soleil provenant du bas gauche. C’est alors l’hiver dans l’hémisphère Nord…

© Texte : Gilles Dawidowicz/APM.
© Images : NASA/JPL/Malin Space Science Systems.