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André Cailleux : sa maison à Saint-Maur

par François Costard - Chargé de Recherche au Centre de Géomorphologie, Caen

Au plus profond de ma mémoire resteront gravés les instants rares et éphémères passés à Saint-Maur dans la maison d’.


Je me revois alors, étudiant en maîtrise de Géomorphologie, cherchant par un jour venteux et gris, le long des rues humides de Saint-Maur le 9, avenue de la Trémouille. Après avoir sonné à la porte d'une belle maison en meulière, une faible voix me répondit: "Entrez en poussant fermement la porte, mais en la fermant surtout très doucement". Appliquant ces conseils, je pénétrai dans un joli jardin planté d'arbres avec ça et là quelques chaises oubliées et une table ronde. J'aperçus alors André Cailleux sur le perron avec ce sourire radieux et ce regard d'une infinie bonté qui le caractérisaient. Il se précipita dans le jardin pour relever une plaque de polystyrène et me l'apporta en me disant tout en gesticulant: "C'est merveilleux !, regardez !, la force du vent a pu soulever cette plaque suffisamment haut pour passer au-dessus du mur du jardin, c'est incroyable...". Puis, tout essoufflé, il me tendit la main. Ce fut mon premier contact avec André Cailleux, et il dénotait déjà tout le personnage : cette curiosité face aux choses de la nature.

C'était l'hiver et les volets de sa maison étaient tous fermés, rien de choquant à cela, mais les persiennes étaient toutes bouchées de papiers journaux, les fenêtres recouvertes d'un film plastique scotché contre les murs intérieurs. Arrivé au deuxième étage, je découvris son bureau surélevé par rapport au plancher et entouré d'un double film plastique.

Je me souviendrai toujours d'André Cailleux assis à son bureau, penché sur ses notes manuscrites, attentivement surveillé par son chat. Je le voyais au-travers de ce double film plastique tel une bulle qui le maintenait dans son univers. C'était, m'expliqua t-il pour garder la chaleur : "Regardez: il fait deux degrés de plus dans mon bureau qu'à l'endroit où vous êtes !."

Au gré des saisons, sa maison se métamorphosait. Au printemps, finis les volets clos, les films plastiques et papiers en tout genre qui maintenaient cette chaleur à l'intérieur, la moindre éclaircie était prétexte à une ouverture instantanée des fenêtres, même pour un infime réchauffement de la maison.

L'été venu, je travaillais dans un petit bureau à côté de celui d'André Cailleux. J'avais la lourde responsabilité alors de rafraîchir ce dernier étage par un système d'arrosage du toit breveté par lui même. Un long tuyau percé sur le faîte du toit, répandait un film d'eau qui, en s'évaporant devait rafraîchir la maison. Il me fallait donc, toutes les 30 minutes, aller au fond du couloir dans une petite pièce où étaient classés ses propres tirés-à-part et ses notules (près de 500). Là, je devais tourner un robinet, trois tours et demi, puis me précipiter à la fenêtre de mon bureau, vérifier que l'eau commençait bien à couler dans la gouttière, puis retourner dans la dite pièce pour fermer le robinet ... et cela toutes les 30 minutes et pour le rafraîchissement de la maison ...

Puis, c'était l'heure du thé. Réunis dans la cuisine autour d’une table, d’un pot de confiture étiqueté " confiture pour invités ", c'était le moment tant attendu où André Cailleux me contait ses aventures lors de ses nombreuses missions.

La maison d'André Cailleux, c'était une usine à tirés-à-part. Toute la maison vivait au gré de cette activité incessante, et tout était organisé avec la plus grande ingéniosité pour l’efficacité du travail. Sa bibliothèque au rez-de-chaussée, regroupait livres, tirés-à-part et articles classés thématiquement dans des dossiers en carton dont la bordure était recouverte de papier florentin.

Les sujets les plus divers y étaient abordés, allant de l’astronomie à la psychologie. Cette bibliothèque fut pour moi un gain de temps incroyable dans mes recherches. Tous les sujets que je devais étudier étaient là en face de moi, regroupés et classés. En quelques minutes, je pouvais obtenir une vue globale du sujet que je souhaitais étudier. Cette bibliothèque était l’âme même de la maison, elle reflétait la connaissance universelle d’André Cailleux, sa motivation, sa passion, son efficacité dans le travail ainsi que la rigueur et l’originalité de ses recherches.

Saint-Maur fut une découverte pour le jeune étudiant que j’étais et suscita un réel enrichissement pour mes futures recherches, mais après tant d'années passées, le souvenir le plus ému que je garde d'André Cailleux, c'est à la fois cette curiosité, cet esprit de synthèse, cette faculté d'expliquer tout simplement, ce regard vif, et par dessus tout cette grande bonté qui émanait de lui.

 

François Costard

Ecrit par cornu le Vendredi 25 Août 2006, 10:06 dans "André Cailleux" Version imprimable

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